La saga de la bibliothèque dans la cuisine
StarBarbue et DixPouces vivaient dans leur nouvelle maison depuis près d’un an. Ils convenaient que leur nid manquait cruellement d’étagères. Il vous faut savoir que StarBarbue accumulait toute sorte de choses multimédias et DixPouces quant à lui faisait beaucoup de photos et possédait tous les livres qu’il avait lu depuis sa tendre adolescence.
Un jour StarBarbue demanda à DixPouces :
- chéri, je voudrais mettre les livres de cuisine dans la cuisine. Tu pourrais me poser des étagères s’il te plait mon amour ?
- ah mais quelle bonne idée, mon chéri ! Les livres de cuisine dans la cuisine ! Je vais de ce pas chez le marchand de bricolage, Lerin Merloy pour te les faire mon coeur.
DixPouces prit sa jolie voiture, violette, cabossée, et rouillée, pour se rendre dans ce lieu de perdition destinés aux taquineurs du tournevis et aux reines de la truelle. Il acheta une tablette qu’il fit prudemment couper en deux par un charmant opérateur et deux équerres noires aux formes alambiquées. Les restes de tasseaux qu’il collectionnait lui fournirait des supports tout à fait convenable.
DixPouces s’enduisit de teinture noire ainsi que les deux morceaux de tablette. Une fois secs, il entreprit d’y fixer les équerres et les tasseaux pour les visser au mur de la cuisine. Comme à chaque fois, dans ces vieilles maisons, chaque trou fut un problème en soi. Heureusement que DixPouces, habitué, avait prévu toutes les formes de chevilles possibles.
Après un temps indéterminé mais long, les deux étagères furent posées.
StarBarbue n’y tenant plus stocka ses livres de cuisine dont une série, particulièrement dense, en terme de papier, et de grande taille. Il constata qu’il aurait assez de place pour tous, en serrant un peu.
Les deux amoureux contemplèrent émus les deux nouvelles étagères remplies de promesse de bons plats cuisinés.
Quelques jours plus tard, pendant qu’ils étaient avachis sur leur canapé, un vacarme retentit dans la cuisine : une des étagères, celle qui devait supporter le poids de la collection de grands livres avait cédé. Heureusement qu’il n’eut aucune casse dans l’évier en contre bas où les livres avaient été éjectés.
Dépité, DixPouces examina les attaches. Il avait bien vu que le mur était composé de béton cellulaire et n’avait pas pensé qu’il n’avait pas utilisé les bonnes chevilles pour ce matériau friable et fragile.
DixPouces retourna en pestant chez Lerin Merloy pour acheter, très cher, des chevilles spéciales pour matériau pénible.
A peine demi-heure plus tard, l’étagère avait repris sa place. DixPouces voulut éprouver la solidité de l’ensemble en tapant sur la planche. Après deux coups de battoir, la planche se détacha du mur avec fracas.
DixPouces hurla à la mort, au viol, à l’imposture, exhorta dieux et déesses, proféra des imprécations contre « ce foutu connard qui avait mis du béton cellulaire dans la véranda qui leur servait de cuisine ». Tout le monde en prit pour son grade tandis que StarBarbue en rajouta un peu en le traitant d’incapable. DixPouces arracha ce qui restait de son montage. Il y eut maintenant deux gros trous à la place de l’équerre. DixPouces retourna une fois de plus chez le magasin des bricolos pas toujours rigolos et acheta un ciment rapide. Il reboucha les deux trous qui faisaient maintenant deux tâches grises sur le mur qui avait été blanc. Il s'aperçut aussi que la seconde étagère menaçait de vivre sa vie loin du mur.
DixPouces et StarBarbue cherchèrent une bibliothèque toute prête qui n’avait pas besoin d’être attachée. Trop large, pas assez haute, trop longue, trop petite, pas assez solide, trop moche, … L’endroit prévu pour les livres nécessitaient des mesures précises. Ils ne trouvèrent pas leur bonheur dans les sites web du style KoinBon, dans les magasins de troc, et même chez les marchands de meubles neufs en faux bois d’arbre.
DixPouces se résolut à construire sa propre bibliothèque. De toute façon, il lui faudrait bientôt s’intéresser au rangement des choses multimédias qui encombraient le premier étage de la maison. Ce ne serait qu'une répétition.
- tu es sûr chéri ? demanda StarBarbue. On peut chercher encore, mon amour ? Non ?
- oui je suis sûr, mon chéri. Je sais ce que je vais faire, mon coeur.
DixPouces lut des magasines et livres pour savoir comment s’y prendre. Il échafauda un plan et se rendit une fois de plus chez l’enfer de ceux qui ont 5 pouces à chaque main.
Il acheta du bois, des outils et des vis supplémentaires.
Il sortit son plus bel établi, son crayon, sa boite à onglet, et ses outils. Consciencieusement et calmement, il mesura, il calcula, il traça, il scia, il assembla les différentes parties. Au fur et à mesure, la bibliothèque prenait forme et devint réelle. Il scia deux fois trop, perça trop loin, se colla ses doigts, changea 10 fois de forêt, s’agita beaucoup …
Après une éternité, l’étagère fut enfin terminée. De petites équerres consolidèrent le tout.
StarBarbue dut reconnaitre que malgré quelques trous supplémentaires inutiles, et un barreau peu de travers, il pourrait ranger ses livres de cuisine sur une bibliothèque solide.
Cela fait 4 jours que la bibliothèque est terminée et chargée. Aucune catastrophe à l’horizon.
« Chéri je suis fier de toi !»