Un secret (suite)

Cet après-midi, je suis allé voir ma mère pour récupérer du linge que je lui ai donné à sécher. Nous avons discuté de choses et d'autres autour d'une tasse de café.

J'ai appris que ma soeur, que j'ai toujours trouvée comme à coté de la plaque depuis trois ans au moins, bourrée de phobies diverses, est considérée par son psy comme "bipoplaire, schizophrènes et maniaco-dépressive". La voilà habillée pour l'hiver !

Le problème est qu'elle a presque abandonné ses enfants à son ex-compagnon et que sa fille n'est pas d'un modèle de stabilité. Nous, le reste de la famille, sommes loin d'eux puisque ma soeur, ma nièce et mon neveu sont à Montpelliers. Mon ex-beau-frère qui a du supporté tout cela, en plus de devoir s'occuper de ses enfants et donc de briser net sa carrière prometteuse, n'est pas très conciliant et très commode. Ainsi, je ne verrais pas mon neveu et ma nièce cette année. Notre capacité à les aider est limitée. Je me sens assez impuissant.

Comme j'ai déjà évoqué dans ce billet comme beaucoup de familles, nous avons un secret : mon père est en fait le fils de ma grand-tante. En vieillissant ma mère perd la mémoire et je connais suffisamment mon père pour penser qu'il n'en dira jamais rien. J'ai pensé qu'il faudrait qu'il raconte son histoire dans une lettre qu'on ouvrirait après son décès, soit dans 60 ans puisqu'il veut vivre jusque 120 ans ! Une manière de nous éclairer sur l'histoire de la famille, sans vraiment impliquer qui que ce soit.

Cet après-midi, j'ai saisi une balle au bond quand nous parlions d'yeux bleus, d'yeux marrons et de génétique, ma soeur veut avoir un autre enfant alors qu'elle a du mal à s'occuper des siens. N'importe quoi.

Profitant que mon père est en vacances en Italie, j'ai révélé à ma mère que je connaissais ce secret et je lui ai raconté comment je l'avais su. Mes deux frères me l'ont raconté alors que nous allions voir à l'hôpital ma grand-mère mourante. Je lui ai demandé si elle pouvait m'en dire plus.

C'est une histoire assez simple. Ma grand-tante, ma grand-mère biologique donc, est tombé amoureuse d'un gars du village dans lequel mon grand-oncle, son frère, était le curé.  Elle est tombée enceinte hors mariage et son petit ami voulait partir aux amériques. Elle n'a pas voulu, lui est parti. Elle a fui à la grande ville prétextant un travail pour dissimuler sa grossesse. Elle accoucha et appela tout de même ma grand-mère à l'aide. Mes grands-parents décidèrent d'adopter mon père. D'ailleurs, "Mario" est un prénom italien fréquemment donné aux enfants abandonnés. Il semblerait que mon grand-oncle n'en ait jamais rien su. Ce dont je doute d'autant que si j'ai bien compris, le reste de la famille savaient que mon père avait été adopté mais on ne savait pas d'où il sortait. Pourtant sa ressemblance frappante avec mes arrière-grands parents ne laissent aucune doute quant à ses liens de parenté avec cette famille.

Mon père a appris cette adoption quand il s'est marié avec ma mère. A priori, pour lui, ses vrais parents étaient mes grands-parents et pour lui cela ne changeait rien. Je pense tout de même que les relations avec ma grand-tante ont été forcément modifiées. Quand elle a eu ses problèmes de santé, j'aimerais savoir quelques discussions ils ont eu ensemble sur le sujet. J'aimerais aussi savoir s'il en avait parlé avec mes grands-parents et dans quelle mesure cela a changé ses relations avec eux. Je pense tout de même que mon père n'a pas voulu en savoir plus, l'oubli pour laver la "tâche" originelle. Ma mère m'a parlé d'une somme d'argent que le père de mon père a envoyé à ma grand-tante, pour aider à son éducation peut-être, que mon père n'a jamais voulu touché, et qui dort peut-être sur un compte. Ma grand-tante ayant un caractère fort, a peut-être aussi voulu couper les ponts avec son ex.

Ma tante ne l'a appris qu'au décès de ma grand-tante, une année avant la mort de ma grand-mère. Cela n'a fait qu'augmenter son ressentiment envers mon père. Elle lui voue de la haine et l'a sans doute faire savoir dans tout le pays en Italie. Au point qu'on peut se demander si ce n'est pas pour cela que mon père n'a reçu aucune visite pendant ce mois et demi qu'il vient de passer seul, et qu'au décès de ma grand-mère, aucun n'est venu pendant les quatre jours où nous étions là. On peut imaginer que ce secret a du aussi empoisonner les relations entre les deux soeurs.

J'ai insisté auprès de ma mère pour que mon père couche par écrit son histoire car de toute façon, pour les raisons de succession, nous aurons tous les papiers administratifs de cette adoption. Ce n'est pas pour juger, ni même tenter de retrouver ce grand-père biologique, juste pour savoir. Elle va essayer mais elle m'a fait promettre de ne pas en parler à ma soeur.

Si mon père savait que ses 3 fils, et leurs conjointes et leurs conjoints respectifs, sont au courant de son secret, je pense que ma mère passerait un sale quart-d'heure puisque c'est elle qui l'a dit à mon premier frère.

Je ne comprends pas la rigidité de mon père quant à la famille de ma mère, un peu tuyau-de-poêle et avec quelques voyous, ou concernant mon homosexualité, ou quand mon frère s'est mis avec une femme qui a 3 enfants et qui ne veut plus en avoir (à plus de 40 ans on peut comprendre). Son idéal de famille saine et sans histoire s'est écroulé. Nous sommes une famille comme les autres, ni plus mauvaise ni meilleure qu'une autre. J'espère qu'il le comprendra.

Comments

[Le Chat]

Ah les secrets de famille... Connais-tu ce livre magique "Aïe, mes aïeux !" de Anne Ancelin Schützenberger ?
En tout cas tu as bien raison de vouloir que cette histoire soit couchée sur le papier pour être enfin expulsée et soulager tout ceux concernés par le poids de ce (faux) secret !