Entreprise et placard
Témoignez dans "Têtu"
Avez-vous fait votre coming-out au travail? Votre société s'est-elle adaptée à votre statut, ou vous empêche-t-elle de bénéficier de certains avantages?
Quelle ambiance avec vos collègues à la machine à café? Racontez-nous votre histoire professionnelle à paul.parant@tetu.com
Je n'ai pas eu de relations avec qui que
ce soit jusqu'à 31 ans. Personne ne soupçonnait mon orientation, ne
présentant aucun signe extérieur particulier d'une quelconque vie
sexuelle.
Après des rencontres, un amour de 8 mois, des coming-out en série,
parmi les amis, la famille proche et d'anciens collègues, au travail,
je n'osais pas révéler mon orientation sexuelle et mes amours
minoritaires. Etant dans une entreprise informatique, un milieu
essentiellement hétéro-viril, je prenais à coeur chaque insulte sur un
client efféminé et leurs remarques sexistes sur mes collègues
féminines. Il y avait un obstacle supplémentaire : j'ai connu les
dirigeants de ma société à la fac et l'un d'entre eux avait été un ami
très proche. J'ai été amoureux de lui comme je l'ai été des jeunes
mâles avenants qui ont croisé ma route. J'avais peur qu'il prenne mal
cette dissimulation. J'avais été proche de sa compagne mais je n'avais
pas osé lui raconter mes tourments provoqués par l'abstinence dans
laquelle je croupissais, et plus tard mes relations ératiques ou
orageuses. Et puis, je préférais qu'on se moque de moi pour ma
maladresse et de mes mains d'italien qui ne peuvent pas s'empêcher de
parler. Evidemment il m'est arrivé de tomber profondément amoureux, en
secret, de deux collègues, de "sales hétéros" qui ne voyaient dans mon
empressement à leur faire plaisir ou les aider qu'une amitié un peu
plus profonde. Il me paraissait impossible pour moi de sortir du
placard. J'ai donc menti par omission.
Puis, la sérénité venant, j'ai commencé à parler de "ma moitié", "la
personne avec qui je vis". J'ai évité soigneusement d'en dire plus.
Toutefois mon honnêté m'a toujours empêché de parler de mon compagnon
au féminin, contrairement à lui d'ailleurs.
Les événements se sont enchaînés. La compagne d'un ancien collègue a
fait une gaffe et a parlé sans réfléchir de mon compagnon à l'ancien
ami qui était mon chef. Lors d'un problème professionnel, mon PDG a
laissé un message sur le répondeur. Il n'y avait pas d'ambiguïté, dans
l'annonce, c'était bien la voix de deux hommes qui vivaient ensemble.
Et pour finir, la secrétaire, qui recevait de temps à autre mes coups
de téléphone personnels, a fait courir le bruit que j'avais un copain.
Elle m'a tendu de grosses perches au moment du PACS, "je ne trouve pas
normal qu'on en fasse tout un plat aujourd'hui". J'ai donc décidé de ne
plus me cacher et de me jeter à l'eau.
Et bien, maintenant c'est tellement plus simple ! A part, un petit
beauf qui s'est permis des remarques saugrenues, "tu verras les saunas
à Casablanca c'est super", et les confidences impudiques d'une
collègue, "je n'aime pas la sodomie et toi ?", j'ai des relations
cordiales, et sans ambiguïté, avec mes collègues. Avec tout de même une
certaine retenue, je parle aisément de ma vie. Je leur fais même
partager les pièces de théâtre dans lesquelles mon compagnon joue.
Quand un petit nouveau arrive, le dernier est particulièrement canon,
j'évoque tout de suite, au détour d'un repas ou d'une conversation un
peu personnelle, celui avec qui je partage ma vie. Au moins les choses
sont claires. Peut-être que mon statut et ma stature de grand ancien,
dans tous les sens du terme, me protègent.
La vraie différence se fait par rapport aux enfants que nous n'avons pas. C'était déjà le cas quand je travaillais à la caisse d'Epargne, les célibataires sont assez mal lottis. Cette année tout de même, à Noël; les couples sans enfant ont eu des chèques cadeaux.