Vendredi 13
La vieille voiture violette hoqueta et rua comme un cheval furieux pour s’immobiliser quelques mètres dans le grand rond-point. Dans un grand fracas de verre et de plastique brisé, le front de la conductrice fit connaissance sans aucune amabilité avec la grosse bulle de chewing-gum soufflée par le volant. Reprenant ses esprits, elle sursauta : un visage grimaçant de haine emplissait la vitre côté conducteur. « C’est de votre faute ! J’espère que vous êtes bien assurée ! » lui cracha un petit homme cramoisi à travers la paroi protectrice. Elle soupira et descendit sur la chaussée.
Ce n’était vraiment pas un bon jour. Cela avait commencé par
le tube de dentifrice qui avait percé. Le petit homme avait fini de remplir le
constat dans une diatribe colérique contre les femmes au volant « La
voiture est le cheval de l’homme moderne, madame ! » Non, elle ne se
rendait pas compte …
Elle sortit son portable pour appeler son mari. Il n’y avait plus de batterie. Elle fouilla son sac rouge pour trouver son porte-monnaie. Rien. Elle souvint l’avoir vu sur le buffet de l’entrée. Pas d’argent, pas de ticket de métro. « Débrouillez-vous !» laissa tomber laconiquement l’écuyer contrit de la rosse cabossée.
On ne sort par un vendredi 13 ! Elle aurait du rester
terrée comme d’habitude pour laisser passer les 86400 secondes maudites !
Mais, voilà ! Son mari l’avait persuadée d’aller remplir le frigo, avec
force de menaces et de sanglots implorants : ses parents s’étaient invités
à diner ce soir !
A peine quelques mètres sur le gravier et le talon de sa
chaussure droite cassa. Son mari allait vraiment devoir affronter lui aussi, à
son tour, sa peur des vendredi 13 ! Elle marmonna en boitillant « Je vais essayer de rentrer. Désormais c'est son problème, plus le mien ».
Consigne 33 de Paroles Plurielles : La dernière phrase est « Désormais c'est son problème, plus le mien ».