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Farfalino
22 septembre 2006

Musique !

6943360_pJe ne l'aime pas, mais tant pis, il faut bien vivre. Ou plutôt survivre avec ce misérable cacheton qu'on va discrètement me glisser dans la poche, comme une aumône rédemptrice à un clochard. Dieu que je déteste ce métier. Mon père disait que ça ne sentait pas la sueur, ce n'était donc pas un métier. Pauvre hère maintenant à six pieds sous terre à croquer les pissenlits par la racine. Ses lapins, au moins, ils mangeaient les tiges et les fleurs. Ca fait longtemps que je n'ai pas mangé de lapin. De toute façon, c'est pénible c'est plein d'os.
J'avais autre chose à faire, moi, aujourd'hui que d'être planté là, à distraire ces vieillards emperruqués et apprêtés qui roucoulent sur cette musique insipide, en prenant garde tour à tour à ne pas laisser échapper leur dentier et leur partenaire. Il faut que je fasse ma lessive, je n'ai plus rien à me mettre. Ah oui, il faut aussi que j'aille voir si mes partitions sont arrivées. Avec l'argent d'aujourd'hui, je vais pouvoir terminer de payer mes impôts. Et voilà le second mouvement ... je vais avoir moins de notes à jouer que dans le premier, ça repose.
La choucroute violette de la vioque violacée me fait penser que cela fait longtemps que je n'ai pas mangé de saucisses. Des chipolatas au vin blanc, avec de la moutarde et quelques pommes de terre sautées. Ah oui ... les impôts. Et mes allocations qui ne sont pas encore arrivées ! Ce soir, ce sera des nouilles, moins molles que ces tournoyants grabataires. Attaquons le troisième mouvement. Et un coup d'archet et puis un autre ...
Cette valse m'ennuie. Cette vie m'ennuie. Elle s'échappe et elle glisse plus vite que les futurs squelettes fatigués sur la piste de danse usée, comme ma patience. Ca n'en finit pas. Si je m'endors, est-ce qu'ils vont s'en apercevoir au moins ?
J'avais vraiment autre chose à faire. Je devais voir Madeleine. Ses cheveux, ses yeux, son corps, son rire me manquent. Elle doit me rendre les livres et les vêtements que j'ai encore chez elle. Elle est partie. Enfin, elle m'a fait partir. Viré comme un malpropre ! "Un bon à rien, un cachetonneur, un musicien empoté sans grâce ni talent" qu'elle m'a dit. Et elle ? Elle s'est vue avec sa voix de crécelle et son violon vrillé ? Et encore un mouvement ... Je n'en peux plus, je m'en vais, c'est sûr ! Tant pis pour les impôts et les saucisses.

Je vais les secouer un peu, les sortir de leur Alzheimer végétatif. Après je m'en vais. J'ai de la lessive à faire.

Musique !

N.B. : texte écrit pour la consigne n°30 de Paroles Plurielles (avec quelques retouches). Outre la peinture, le texte doit commencer par "Je ne l'aime pas, mais tant pis"

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