Emotions intactes

J'ai déjà parlé ici de mon attachement au "Petit Prince" de St Exupery.

Hier soir, profitant d'un moment de solitude, j'ai écouté la seule version racontée qui trouve grâce à mes yeux car liée à mon enfance : celle de Gérard Philippe (l'aviateur), Georges Poujouly (le petit Prince), Pierre Larquey (l'allumeur de réverbère), Jacques Grelo (le renard), Sylvie Pelayo (la rose), Michel Roux (le serpent). Quand j'étais enfant, j'écoutais très souvent le disque vynil qui appartenait à ma mère. Cette histoire est tellement belle, poétique, naïve et humaine. Dans mon souvenir, l'interprétation était magnifique.

Le disque doit trainer maintenant au fond d'une armoire avec sa pochette en lambeaux, oublié car sans moyen de le lire. Il y a plusieurs années, lors de la fête commerciale pétainiste annuelle, j'avais offert la version CD à ma mère, sans l'écouter.

Il y a quelques mois, la lecture d'un passage par un répondant aux lettres d'enfants m'a donné l'envie d'entendre à nouveau le renard de mon enfance expliquer l'amitié au Petit Prince (cf un billet plus ancien). J'ai emprunté le disque pour le transformer en MP3.

Depuis, le fichier me narguait sur mon disque dur. Je n'osais pas le lancer. J'avais peur qu'entendre à nouveau cette histoire détruise la nostalgie que j'en gardais. J'avais peur que cela ait mal vieilli. J'avais peur d'avoir mal vieilli, en fait. Confronter l'enfant que j'étais à l'adulte que je suis devenu me laisse toujours un arrière-goût d'amertume.

Quand la voix de Gérard Philippe retentit, la magie a immédiatement opéré. J'étais maintenant l'enfant contemplant son écran d'ordinateur, l'esprit captivé et ému par l'histoire, l'interprétation, et la musique. Cela n'avait pas vieilli. Les émotions qui me transportaient sont revenues intactes.

Ce matin, réfléchissant à l'intrigue de mon prochain écrit, je pensais à Dominique. Dominique était le meilleur ami d'un de mes amis. Il était gay, il avait moins de 30 ans, un nouvel amour dans sa vie et il s'apprêtait à faire son coming-out auprès de ses parents. Il est mort dans un accident de plongée. Je me souviens de l'émotion qui m'avait étreint le soir où on l'attendait en vain pour l'anniversaire de l'ami commun ainsi que des jours qui suivirent. Je m'étais sans doute identifié à lui, ma propre mortalité me sautant au visage. Un de ses amis rencontré plus tard l'avait surnommé "le Petit Prince" car il était blond comme les blés du renard Je me suis dit ce matin que j'utiliserais ces émotions et ces impressions en l'amalgamant au récit comme autant d'ingrédients précieux.

En fin de cette matinée, nous avons regardé l'émission de la Nouvelle Star. Cindy, la candidate blonde, a chanté "Kissing you" de Des'ree, une chanson qui faisait partie de "Romeo+Juliette". Son excellente interprétation a fait rejaillir le souvenir de la cohorte des amis, des collègues et de la famille, donnant un dernier hommage à Dominique, tous accompagnés par cette sublime chanson. Je n'oublierais jamais cet instant précis où j'exécutais un signe de croix, les yeux brouillés de larmes, devant l'urne funéraire qui contenait ses cendres. J'ai eu du mal à faire refluer cette tristesse immense qui menaçait de me submerger à nouveau.

Comments

[Farfalino]

merci pour ces condoléances.
et honte sur moi et sur ma descendance (et là je ne prends aucun risque).
Je corrige ...

[Kamoun]

Je regarde pas l'émission mais je vois bien de quelle chanson tu parles... C'est "Kissing You" et pas "Missing You". Mais c'est pas grave...
Ba, mes condoléances même si on se connait pas...